Dans la lignée de tous les
projets de cette année 2020, le camp de 15 jours sur Anialarra en ce
mois de septembre fut conditionné par les mesures et les contraintes
liées à la pandémie du Covid 19. D'abord, la traditionnelle
expédition estivale de 3 semaines n'avait pas eu lieu, ce qui a
compliqué la mise en place du camp. Et puis surtout, il a fallu viser des objectifs obligatoirement plus modestes, question de ne pas
s'attirer des ennuis, dans la mesure où bien que nous avions une
autorisation de la Navarre pour mener la campagne d'explorations dans
le parc naturel à la frontière franco-espagnole , il a fallu
prendre sur nous pour se décider à rejoindre ces zones classées
"rouges" par notre ministère des affaires étrangères
...
C'est dans ce contexte que nous avons débarqué le samedi 12/09 au chalet du Bracas à partir duquel nous sommes montés pour deux semaines sur ce no man's land qu'est le lapiaz d'Anialarra. En tout et pour tout, comme seules âmes qui vivent, nous avons croisé et à peine côtoyé durant notre séjour (trajet AR y compris) 4 personnes, des dizaines d'isards, quelques vautours, choucas et incontournables brebis. Et encore, à distance respective ! Ce fut en quelque sorte un genre de confinement volontaire, dans une bulle de 5, élargie les derniers jours à 6 : Paul, Annette, Frits, Krzysztof, Lieven et moi !
En matière d'explo, ayant mis de côté l'idée de retourner dans le système via l'entrée inférieure (en bivouaquant) pour atteindre les lointains amonts de la rivière Tintin et continuer à y chercher à avancer vers le réseau Partages-PSM en vue d'une jonction potentielle, nous avons opté pour la poursuite des recherches d'un accès plus direct. Nous nous sommes ainsi attardés à l'aplomb même du terminus "Benoit Brisefer", sur cette zone du lapiaz truffée de phénomènes qui représentent autant de point d'alimentation de la circulation profonde. Bien-sûr, elle a déjà vu passer des spéléos et des trous sont marqués, souvent d'une croix. Quelques-uns ont fait aussi l'objet de découvertes, mais souvent mineures ou alors excentrées par rapport aux connaissances actuelles. Nous même, les p'tits belges, avons déjà à notre actif 75 jours de travaux acharnés sur ce secteur, entre autres dans des trous souffleurs repérés par Paul et Annette en hiver, comme Verdad, Pokemon, Grieta, Daniela et j'en oublie certainement. Mais toutes ces simas laborieusement ouvertes n'ont pas permis de percer suffisamment les couches pour atteindre le socle.
Un orifice parmi les milliers sur la zone ! |
Dans cette optique, la synthèse topo de Paul (un boulot de fou !) montrait que la Sima Groselleros, idéalement placée, devait être revue. Objet de travaux en 2010 je pense, elle avait été abandonnée pour cause d'éboulement de la vilaine trémie terminale, vers -80, avec pourtant un courant d'air aspirant. Quelques descentes lui furent consacrées cette année, pour finir par capituler définitivement devant cet obstacle qui ne peut qu'inciter à la "distanciation physique" et aux "gestes barrières". Et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Cependant, à mi puits final, une lucarne a été attaquée et mérite qu'on s'y acharne encore un peu.
L'entrée déchiquetéee de la sima Groselleros |
En attendant, c'est l'AN 702, la sima de los Burros qui nous a le plus occupé. Découvert en 2019, on s'y était acharné Frits et moi, des jours durant, en ouvrant tour à tour des sommets de puits étroits jusqu'à buter sous un nouveau sérieux rétrécissement vers -50. Mais soufflant, on se devait d'y revenir. Et donc à nouveau jouer les burros, à savoir faire des allées venues, souvent bien chargés et évidemment s'entêter, ce qui caractérise justement les "ânes" et du coup inspiré le nom du trou (burros en espagnol) ;-).
Les deux "burros" et la "babosa" |
Une dernière descente dévoilera un puits parallèle au P40, sans plus, pour ensuite déséquiper, laissant toutefois un petit point d'interrogation dans le grand puits, à savoir une lucarne, mais qui demande du travail car infranchissable en l'état. A revoir, bien qu'elle ne donnera probablement que sur le même fond.
Sima de la "Tormenta" |
Tout ça étant, les jours ont passé. Cherchant un objectif plus proche du camp pour soigner son rhume (qu'il a généreusement partagé bien sûr), question de ménager son dos aussi, Paul lui s'est laissé distraire par un autre trou repéré l'an dernier au dessus du système à hauteur du FR3: la sima Tormenta, et son courant d'air glacial à décorner un isard. Durant 3 jours, avec Annette et Lieven, il n'a pas ménagé ses efforts pour élargir 5m de méandre très étroit et atteindre un P12 au bas duquel une nouvelle désobstruction a été entreprise en vue d'atteindre un cran de descente à l'écho prometteur. Il s'en est fallu de peu pour qu'il puisse y faire passer notre « babosa » (limace) de service. Voilà qui hantera pendant un an ses rêves les plus fous et Dieu sait s'il en fait ! D'ailleurs, la suite entrevue a déjà un nom presque pervers : le "puits des Nonnes " !
Et sur ce temps, avec Frits qui ne tient pas en place, nous avons
repris le ratissage systématique d'une autre petite portion de
lapiaz, toujours avec la même détermination : trouver l'accès à
Quick § Flupke (affluent de la
rivière Tintin). Des trous connus ou pas sont revus l'un après l'autre, sans
réel résultat, sinon de les répertorier et les décrire, de
manière à alimenter la grosse base de données tenue
méticuleusement par Paul, une mine d'infos incroyable.
Tout ça, c'est évidemment au prix, chaque jour, d'une demi-heure de marche d'approche à la descente le matin et un peu plus le soir à la remontée, très jolie au demeurant, du moins sans le crachin ou la pluie, mais nous aurons été relativement épargnés.
Pourtant lui et Lieven avaient de quoi nous en vouloir aujourd'hui. Aiguillés sur la fissure soufflante découverte à 400 m en amont du camp au niveau du miroir de faille, ne pouvant disposer des foreuses occupées par nous et l'équipe des tourmentés, ils ont dû se contenter d'un burin et un marteau pour tenter de franchir le mètre les séparant de la suite qui les narguait. Et là où une cartouche aurait suffit, malgré leur efforts désespérés pour grignoter les parois, ils ont fait chou blanc ! Ce sera pour 2021
Pour finir, et c'est par là que ça avait commencé d'ailleurs, notons que la Sima Regalo a été déséquipée pour de bon. Non sans nous avoir livré son dernier secret sans surprise dans le puits d'entrée avec un cran de descente parallèle. C'est très solennellement que le marquage en croix "terminé" a été apposé sur le sigle à l'entrée. Une grande page de tournée, avec d'autant plus de satisfaction que grâce à ces derniers mètres de première engrangés, le système d'Anialarra a passé le cap des 48 km de développement global ! La profondeur reste inchangée (-853m) et le nombre d'entrées est toujours au nombre de onze. Provisoirement...
Comme chaque fois, nous aurions aimé pouvoir disposer d'une journée de plus. Mais au vu de l'annonce du passage du massif en "zone blanche" dès le jeudi soir, il nous fallait absolument en rester là et rejoindre le Bracas. Ce qui fut fait, profitant des dernières heures de temps sec, au terme d'un démontage comme toujours un peu fastidieux et de deux trajets pour Frits et Lieven. Et c'est sur une bonne douche chaude, un apéro en cie de Mickey venu nous saluer, puis un bon souper et une bonne nuit de repos bien à l'abri du chalet de l'Arsip que s'est clôturé le camp.
Il restait juste durant la longue journée du 25/09 à retraverser de long en large la France écarlate pour rentrer sans trop se faire remarquer en Belgique, laissant derrière nous la neige envahir la station de la PSM.
CR Jack, photos de Frits, Paul, Xtof et Jack
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